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Publié : 13 février 2011

La Force de Traction Médullaire (FTM) et ses excès...

Catherine LAURENT - Patrick CHÊNE

L’évolution des connaissances et des produits proposés par les industriels pour l’alimentation des animaux en croissance a induit quelques effets pervers que les ostéopathes rencontrent aujourd’hui au quotidien.
Cet article a été publié sur l’hebdomadaire professionnel "La Dépêche Vétérinaire" de juin 2010

Les premières identifications et publications de ce qui est aujourd’hui couramment appelé l’excès de "Force de Traction Médullaire" (FTM) datent de 2007 (A. Ruiz de Azua Mercadal ; P. Chêne ; V. Zenoni ; cf. Dépêche Vet. du 29 novembre 2008) et les connaissances en ce domaine évoluent encore.

Le concept d’excès de FTM

Pour faire simple et bref, la force de traction médullaire (FTM) est la tension qui s’installe dans la moelle épinière lors du phénomène appelé "ascension apparente de la moelle"[1] dans le rachis vertébral lors de la croissance du jeune animal.

Tant que la croissance différentielle du squelette et de la dure-mère (qui enserre la moelle) et du tissu nerveux (moelle) se déroule harmonieusement, la moelle, tendue entre la boite crânienne et les premières coccygiennes grandit en phase avec l’augmentation de la longueur du "tube" vertébral qui l’enserre.

Dès qu’une différence significative intervient entre la croissance relative du rachis osseux (sensible à l’hormone de croissance) et celle de la moelle épinière (insensible à cette hormone), une tension excessive apparaît, entraînant des compensations organiques silencieuses dans un premier temps puis des désordres adaptatifs pouvant conduire à des anomalies posturales, voire des boiteries ou des symptômes nerveux dans les cas graves.

C’est l’image d’un collier de perles dont on essaie de raccourcir le fil (moelle) sans enlever de perles (vertèbres)

FTM en excès : le "collier de perles" raccourci
D’après V. ZENONI, avec son aimable autorisation.

Les performances énergétiques des aliments industriels, l’évolution des sélections raciales (grandes races, races à croissance rapide …) accentuent aujourd’hui plus fréquemment ce différentiel de vitesse de croissance entre l’os et le tissu nerveux médullaire.

Nombreuses sont les dysfonctions observées par les ostéopathes appelés pour des anomalies locomotrices, des postures anormales ou des boiteries sur des animaux en croissance.

Toutes les espèces sont concernées par ce phénomène.

Le choix systématique de nourritures très énergétiques, quelles que soient l’espèce ou la race (mais les sujets à croissance rapide sont plus sensibles à ce phénomène) accentue artificiellement cette tension et, au-delà d’un certain seuil (ou parce qu’un nouvel élément devient "la goutte d’eau qui fait déborder le vase"), l’animal va "décompenser" au niveau osseux (boiteries, malformations..) ou nerveux (comportement, ataxie etc.).

Les industriels de l’alimentation animale, en multipliant les formules et les références (chiot, adulte, senior, petits chiens, grands chiens, ou même des croquettes par "race" ...) répondent peut-être davantage à des impératifs marketing que zootechniques !

Tous les chiots grandiront parfaitement avec des croquettes type "adulte".
Pourquoi alors conseiller systématiquement des croquettes "junior" enrichies en protéines et matières grasses (donc très énergétiques) au risque de déséquilibrer l’harmonie de la croissance osseuse par rapport à la croissance nerveuse ?...

Discussion

Bien que très récents, ces concepts d’excès de FTM chez l’animal en croissance sont donc bien des réalités pour les ostéopathes et feront encore l’objet de publications pour en identifier toutes les conséquences.
Ces conséquences s’expriment non seulement sur l’animal en croissance mais également sur des animaux adultes qui, en s’adaptant pour pallier cet excès de tension, adoptent des postures dysfonctionnelles qui ne demandent qu’à évoluer en pathologies locomotrices dès qu’un évènement soudain perturbe cet équilibre fragile.

Pour en savoir plus...

 Ostéopathie et nutrition / P. Chêne
 Importance de la Force de Traction Médullaire en Ostéopathie (P. Chêne, A. Ruiz de Azua Mercadal)
 Différents articles sur la FTM et son excès

Post-scriptum

[1] Pour comprendre la disposition terminale de la moelle et des méninges dans le canal lombaire et sacré, il est nécessaire de remonter à l’époque fœtale au cours de laquelle se produit "l’ascension apparente de la moelle". A l’origine, il y a correspondance entre la longueur de la moelle épinière et celle du canal vertébral qui la contient, de sorte que chaque nerf spinal sort du canal vertébral en regard de son lieu d’émergence de la moelle épinière. Pendant le premier trimestre du fœtus le développement de l’axe neural et de son contenant, le futur rachis sont synchrones. Ensuite, parce que la future moelle dérive de l’ectoderme insensible à l’hormone de croissance tandis que le mésoderme qui donnera la dure mère, les ligaments et les vertèbres y est sensible, ce dernier s’allonge plus rapidement et l’on assiste alors à une remontée de la moelle dans le tube neural qui part du sacrum et finit aux environs de L1 chez l’homme. Il en résulte une force dite de traction médullaire qui prend appui sur les solides points de fixation de la moelle : · Crânialement par sa continuité de structure avec l’encéphale, · Caudalement par sa terminaison au plancher du canal vertébral en région sacro-caudale. D’où :

• L’apparition d’un filum terminale, fin filament de pie-mère, issu de l’étirement médullaire, qui termine la moelle épinière tout à fait caudalement et l’unit au plancher du canal vertébral,

Insertion caudale de la moelle épinière chez le cheval
Anatomie des méninges- © C. Douart (formation ostéopathie vétérinaire), d’après R. Nickel, A. Schummer et E. Seiferle modifié.)

• Le report crânial de l’origine apparente du nerf spinal sur la moelle épinière par rapport à son trou intervertébral de sortie.